Ibn Sīnā dit Avicenne, médecin perse, de l’Orient à l’Occident

Avicenne est un personnage hors du commun, quasiment légendaire... Quelle fut l’influence de son œuvre majeure "Le Canon" sur le champ de la médecine européenne au Moyen-Âge, et par la suite ?

Voici un homme dont le nom résonne à travers les siècles, à travers les civilisations Ibn Sīnā, que nous connaissons mieux sous le nom d'Avicenne. Dans la Perse médiévale, à la fin du dixième et au début du XIe siècle, il a su se placer au carrefour de l'héritage antique et de la science de son temps, il a su regarder vers l'Orient et vers l'Occident, vers le passé et vers l'avenir. Médecin, philosophe, poète, musicien, mais aussi conseiller des princes, sa pensée rayonne bien au delà de la Perse, bien au delà de son siècle. Son Canon de la médecine, œuvre de sa vie est une somme qui fait le point sur le savoir médical de son temps, sur l'art de soigner ou de rester en bonne santé. Il y prône l'hygiène, l'hygiène du corps et des vêtements, de l'habitat et du tempérament et la grande attention apportée au choix des boissons et des aliments, à la qualité du sommeil aussi. Surtout, pas d'excès et un peu d'exercice. Oui l'activité physique, ça a du bon, la vie saine quoi !

Témoignage de Joël Chandelier

 Historien, maître de conférences en histoire médiévale à l’Université Paris 8

Proche du Pouvoir 

Avicenne est le fils d'un fonctionnaire relativement important de l'administration locale qui est l'administration de la dynastie des Samanides et qui est précisément une dynastie musulmane, bien sûr, mais perse. Et donc, Avicenne est déjà dans l'entourage politique assez proche puisque son père joue un rôle important. Il a donc accès à tout un milieu de culture puisque les Samanides étaient protecteurs de la culture, de même que beaucoup d'autres souverains de l'époque, car ils considéraient, dans une tradition qui remonte déjà aux califes, que protéger la culture, protéger la science, c'est faire acte politique, c'est quelque chose de fondamental pour la légitimité du souverain. Et donc Avicenne né dans un contexte privilégié, il a un accès à la culture, à l'éducation, à des bibliothèques, au pouvoir. Il a toujours oscillé entre être proche du pouvoir parce que c'est nécessaire pour avoir accès à la culture et pour épanouir sa pensée et être proche du monde intellectuel, des étudiants, des élèves et de la réflexion théorique.

Médecin, Astronome et Philosophe

Avicenne c'est un personnage qui a vraiment traité de toutes les disciplines scientifiques. Il est médecin, mais il est aussi astronome, philosophe. Ce qui est génial avec Avicenne, c'est que c'est un des rares auteurs pour lesquels on a une autobiographie. En fait, au cours de sa vie, il a rédigé une autobiographie qui s'arrête assez tôt dans sa vie. Il raconte en fait toute sa jeunesse et cette biographie a été continuée par un de ses élèves après sa mort. On sait exactement les différentes étapes de sa vie et évidemment racontées par son auteur, ce qui est proprement exceptionnel. Donc, Avicenne nous raconte comment il a appris la médecine dans cette autobiographie. C'est très drôle parce qu'on voit tout de suite en lisant le texte que c'est quand même quelqu'un qui avait une haute estime de lui même. Il raconte donc qu'il apprend petit à petit toutes les sciences avec différents maîtres qu'il considère comme plus ou moins doués. Assez vite, il dit qu'ils sont passés maîtres dans l'enseignement et donc il apprend avec eux la logique, il apprend l'astronomie, les mathématiques. Et puis, autour de 16 ans environ, en passant, parce qu'il avait un peu de temps, probablement après ses études philosophiques, il dit : "J'ai appris la médecine en passant, parce que ce n'est pas une science difficile et donc très vite, je l'ai totalement maîtrisé. À tel point qu'avant mes 18 ans, j'étais capable de donner des leçons aux médecins locaux". Évidemment, il y avait peut être, même probablement, une part d'exagération.

Son importance à l'époque

Avicenne, là où il est extrêmement important, c'est que c'est un de ceux qui a été le plus systématique dans sa présentation en essayant de tout regrouper. C'est à dire qu'il n'y a pas seulement ce que l'on mange et ce que l'on boit, mais il faut aussi tenir compte du climat extérieur, des occupations, par exemple du métier. Avicenne remarque que certaines personnes, en fonction de leur métier, sont plus enclin à telle ou telle maladie professionnelle, le sexe, l'âge, etc. Et donc, Avicenne va construire à la suite des auteurs antiques, mais de manière extrêmement systématique, une hygiène, on parle de diététique, c'est à dire une manière de se comporter pour éviter de tomber malade ou si on est malade pour atténuer les effets de la maladie.

Source France Culture

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